Anna Roussillon s’arrête à Longwy pour une leçon de cinéma

Anna Roussillon, la réalisatrice du film Je suis le peuple, s’est arrêtée quelques heures à Longwy l’autre jour. Objectif : rencontrer et répondre aux questions des lycéens inscrits dans le dispositif national Lycéens et Apprentis au Cinéma. C’était au Lycée Alfred Mézières durant la matinée du vendredi 8 février, entre 9 h et 11 h. Récit…

 

UNE BELLE RENCONTRE

Éléments biographiques

Anna Roussillon est née à Beyrouth (Liban) en 1980. Elle a grandi au Caire (Égypte) puis s’est rendue en France où elle a effectué des études de philosophie, de linguistique, de langue, de littérature et de civilisation arabe. Par la suite, elle a étudié la réalisation documentaire en Master 2 à la prestigieuse École documentaire de Lussas (Ardèche). Cette école est réputée pour son festival du film documentaire. Anna Roussillon habite à Paris. Elle est aujourd’hui professeure agrégée d’arabe qu’elle enseigne à l’université de Lyon.

Elle a réalisé un premier long métrage en 2014 ; Je suis le peuple projeté et primé dans de nombreux festivals à travers le monde.

Cette œuvre a été programmée au 1er trimestre dans toute la région Grand Est, dans le cadre du programme Lycéens et Apprentis au Cinéma.

 

Planter le décor

Vendredi 8 février 2019, au Lycée Alfred Mézières de Longwy, dans la salle 313 de la première aile rénovée de l’établissement. Les élèves entrent au fur et à mesure dans la salle de classe et prennent place. C’est le Cravlor (Centre Régional Audio-Visuel de Lorraine) qui a organisé la rencontre. À sa tête Franck Muller et ses deux collègues sont prêts pour démarrer la séance… La table de mixage est allumée, les micros sont branchés, les fils raccordés et les enceintes ont été testées… Anna Roussillon va bientôt prendre la parole et parler du film documentaire qu’elle a réalisé.

Cheveux courts et lunettes rondes, avec un « look » jeune et vêtue d’un jean, elle est adossée au tableau blanc et pianote sur son téléphone portable, attendant les derniers élèves retardataires avant de s’adresser au public…

 

L’affiche du film

La révolution égyptienne sous un autre angle

Je suis le peuple décrit la révolution égyptienne du printemps arabe, de 2011 à 2013, avec le point de vue décalé et du côté de Farraj ; un paysan d’un village de la vallée du Nil – aux environs de Louxor – situé à 700 km au sud du Caire. Le film s’attache surtout à montrer la vie quotidienne des gens du village, leurs réactions face aux événements historiques et politiques qui se déroulent principalement dans la capitale.

 

Le hasard a fait qu’Anna Roussillon se trouvait deux ans plus tôt en Égypte pour y tourner – confie-t-elle – un documentaire sur le tourisme de masse, et sur la vie à la campagne. C’est à cette époque qu’elle a rencontré le personnage de Farraj (représenté sur l’affiche ci-contre et sur le photogramme ci-dessous). Étant donnée la tournure que prenaient les événements en janvier 2011, elle a alors décidé de réaliser un film documentaire sur la révolution qui se mettait en marche sous ses yeux…

 

 

Un photogramme tiré du film qui renvoie à notre propre histoire politique

Un « petit » budget mais quatre années de travail

Avec un budget « modeste » de 150 000 euros destinés notamment aux salaires des techniciens, Je suis le peuple a demandé quatre ans de travail à sa réalisatrice ; deux ans et demi pour le tournage (350 heures de rushes) et un an et demi consacré au montage pour parvenir à un film d’une durée de 111 minutes ! Toute seule, souvent la caméra à l’épaule, Anna Roussillon a tourné les images et elle s’est également occupée du son. Le montage a été confié par la suite à deux autres personnes. Sorti en 2014 pour être projeté essentiellement dans des festivals, son film a très vite été remarqué par la critique et de fil en aiguille, il a gagné la sympathie des distributeurs qui ont ensuite tout mis en place afin qu’il soit distribué en salles en 2016.

 

Un public attentif

La centaine de lycéens qui se trouvaient dans la salle durant cette matinée s’est montrée très attentive. Parmi eux, une classe de 1ère L et une autre de Terminale L et puis aussi des élèves du Lycée Darche ; la classe de 1ère Bac Pro Hôtellerie A.

Le « métier » de réalisatrice, le contexte historique de production et de tournage, les difficultés du tournage, les choix de mise en scène et de discours, la forme spécifique du genre du documentaire, les personnages du film, la place de la religion islamique dans la société égyptienne et en France… Autant de thèmes variés ayant suscité la curiosité des lycéens et leurs questions pertinentes ont rythmé les deux heures de la rencontre.

 

La chanteuse égyptienne Oum Kalsoum (Umm Kulthum) pose devant le Sphinx, le 01 mars 1967, au Caire.• Crédits : UPI / AFP – AFP

Anna Roussillon s’est aussi expliquée sur le titre de son film : « Je suis le peuple » ; elle l’a choisi à la fin de sa réalisation, s’inspirant d’un titre très lyrique de la célèbre chanteuse égyptienne Oum Kalthoum à l’époque du président Nasser. Cette chanteuse avait l’habitude de produire des chansons d’une durée de 40 à 50 minutes ! Le titre peut aussi renvoyer indirectement au personnage de Farraj.

La réalisatrice a rappelé que l’Égypte était LE pays du cinéma.

Dans le film, à travers la caméra qu’elle tient, Anna Roussillon est un personnage. Elle confie ne pas trop aimer être filmée…

La réalisatrice a aussi parlé de l’énorme travail qui avait été fait sur le son au moment du montage.

Pour Anna Roussillon, le discours de son film Je suis le peuple est le suivant : « montrer le fait que même si l’on vient de deux mondes différents, ce n’est pas pour cela qu’on ne peut pas se parler. »

 

La réalisation

Qualifiant son cinéma de « cinéma direct », Anna Roussillon s’efforce de « voir comment, dans une situation qui existe déjà, on peut dire des choses, montrer comment quelqu’un peut vivre des événements historiques et comment les relations entre les gens peuvent s’établir ». Elle a aussi été amenée à évoquer les frustrations qui naissent lors du processus d’élaboration d’un film documentaire, les choix cruels qui s’opèrent avec toutes les scènes qu’il faut couper au montage pour ne garder finalement que ce qui semble important sur le moment mais que l’on risque de regretter d’avoir sélectionné, une fois le film monté définitivement. Autre regret, le fait de ne pas pouvoir participer à la production de l’affiche et de la bande-annonce du film, lorsqu’on est réalisateur. Et le fait que les objectifs visés ne sont pas toujours les mêmes pour les distributeurs et le réalisateur, entre une logique de rentabilité commerciale et une volonté artistique…

Interrogée sur les compétences nécessaires à l’élaboration d’un film, elle a déclaré que produire un film documentaire est plus facile que de réaliser un film de fiction. Il faut « avoir vu beaucoup de films et avoir des idées sur comment on veut raconter quelque chose ». Elle dit aussi qu’il faut savoir prendre de la distance.

Interpelée par des élèves du Lycée Alfred Mézières appelés à voter prochainement pour le César des Lycéens, ceux-ci lui ont demandé quels étaient les critères d’un « bon film ». Elle leur a répondu qu’un film, « c’est la conjonction de choix narratifs, esthétiques et de mise en scène » (…) « une articulation entre le fond et la forme ».

Avec le recul, elle se demande parfois si cela sert de filmer et pourquoi faire des images…

Au final, une rencontre très riche ! Un échange très productif ! Anna Roussillon a fait partager son expérience au jeune public venu la voir et elle s’est livrée auprès de lui à une très belle leçon de cinéma !

 

  • Lire une fiche à propos du film : ici

 

  • Visionner la bande-annonce du film Je suis le peuple : ici

 

  • Visionner un portrait de la réalisatrice Anna Roussillon : ici

 

  • Obtenir des renseignements sur le CRAVLOR-CinéLigue (Centre Régional Audio-Visuel de Lorraine) : ici

 

Remerciements

à Franck Muller du CRAVLOR-CinéLigue,

à Valentine Dubas du Lycée Alfred Mézières et

à l’équipe de direction du Lycée Alfred Mézières de Longwy pour son chaleureux accueil