Alexia : la mort, c’est sa vie

 

Alexia Campocasso est une jeune ancienne élève de la section ASSP du Lycée Darche de la promotion de juillet 2021. Depuis quelques semaines, elle a accompli le rêve de sa vie professionnelle, à savoir travailler dans le secteur funéraire. Elle répond aujourd’hui à un entretien très enrichissant portant sur un début de carrière originale, à retrouver ci-dessous…

 

 

– Bonjour Alexia, comment vas-tu depuis le mois de juillet 2021, lorsque tu as appris l’obtention de ton Bac Pro ASSP option Structure ?

Je vais super bien. Merci ! (rires)

 

– Tout d’abord, deux questions qui me brûlent les lèvres… À quand remonte ce désir d’avoir voulu travailler dans le secteur du funéraire ? Et quelle en est l’origine ?

Je dois avouer que je « baigne » un peu « là-dedans » depuis mes douze ans ! En fait, c’est une sorte de « métier familial » depuis que mon père et mon oncle ont été conseillers funéraires et que mon grand-père était marbrier.

 

– Raconte-nous quel a été ton parcours professionnel après l’obtention du Bac Pro ASSP il y a bientôt deux ans…

Après le Bac Pro, j’ai travaillé quelques mois dans le commerce en tant que caissière dans un supermarché (Match) à Villerupt. Mais il n’y avait pas de rapport avec ma formation et mon Bac Pro ASSP. Je me suis donc inscrite au chômage et à la Mission locale pour obtenir des aides financières afin de préparer ma formation de conseillère funéraire. Celle-ci coûtait environ 2 800 € ; une somme assez élevée ! En revanche, j’ai dû insister auprès de Pôle emploi parce que pour eux, j’étais beaucoup trop jeune pour exercer ce métier-là…

La Mission locale m’a soutenu de A à Z dans ce projet ! J’ai pu passer une immersion en octobre 2022 au sein de l’entreprise Lexy Funéraire à Lexy.

 

À partir du moment où j’ai pu prouver à Pôle emploi que j’étais vraiment motivée pour faire ce métier-là, ils ont payé ma formation. Celle-ci a débuté le 9 janvier 2023 alors j’ai effectué deux stages de 10 jours chacun à Lexy Funéraire, au cours des mois de janvier et mars derniers. Et le 14 mars, j’ai passé à Paris mon diplôme national de conseillère funéraire et de maîtresse de cérémonie.

 

– En quoi consistent les épreuves pour l’obtention de ce diplôme ?

Les candidats doivent répondre à un QCM de 80 questions et à deux questions ouvertes portant notamment sur des points précis de culture générale. C’est d’ailleurs là que l’on s’aperçoit de l’importance des matières générales comme le français et l’histoire ! Nombreux sont celles et ceux qui pensent qu’à la sortie du lycée, on n’a plus besoin de culture générale ! Qu’ils se détrompent ! Par exemple, lors de mon examen, j’ai dû répondre à diverses questions portant sur la Ve République, la Première et la Seconde Guerre mondiales ainsi que sur la Guerre froide…

D’autres questions traitant des ordres protocolaires comme le rangement des médailles sur les coussins funéraires, le placement des personnalités civiles, militaires et religieuses dans la mise en scène des cérémonies (prêtre, sous-préfet, député, procureur, différents grades des officiers militaires, etc.), mais aussi une question portant sur le nombre de vis présentes sur un cercueil, ou encore ce qu’est un capiton de cercueil…

 

– Au fait, c’est quoi un capiton de cercueil ?

Le capiton de cercueil, c’est le rembourrage qui se trouve à l’intérieur du cercueil. C’est un article funéraire qui sert à rendre hommage au défunt, en particulier en chambre funéraire. En général, il est composé d’un oreiller, d’une couverture, d’une sorte de matelas placé au fond du cercueil et d’un tour de cercueil.

 

– Combien y a-t-il de candidats par session d’examen organisée ?

Dans ma session, nous étions dix candidats et bizarrement, il n’y avait que des filles !

D’ailleurs la plupart d’entre elles sortaient d’un Bac Pro soit ASSP, soit Hôtellerie-Restauration !

 

– En quoi consistera exactement ton travail au quotidien ?

Lors d’un décès, le conseiller funéraire est l’interlocuteur de toutes les démarches administratives et familiales. C’est lui qui va accueillir la famille, qui va préparer les obsèques et qui va appeler l’hôpital pour voir si le certificat de décès est préparé ! Sans ce certificat, on ne peut rien faire ! Mais c’est aussi lui qui contacte la mairie et qui va effectuer les déclarations de décès auprès de l’état civil.

Je vous donne un exemple : si une personne défunte souhaitait être inhumée à Longwy alors qu’elle est décédée à Mont-Saint-Martin, on va faire toutes les démarches possibles afin d’obtenir les diverses autorisations. Parce qu’il faut que la mairie de Longwy nous y autorise.

Nous devons effectuer les déclarations préalables, prévenir lorsqu’on va transporter un corps de la chambre mortuaire à la chambre funéraire, les demandes de crémation, etc.

 

– C’est quoi la différence entre une chambre mortuaire et une chambre funéraire ?

Pour ce qui est de la chambre mortuaire, celle-ci se trouve généralement à l’hôpital et les personnes décédées sont placées dans une case réfrigérée. C’est là que se déroule l’habillage des corps et la mise en bière.

Une chambre funéraire, c’est dans un bâtiment des pompes funèbres. Le mort y est présentable, avec le cercueil ouvert ou fermé, selon les désirs de la famille… C’est l’endroit destiné au recueillement des personnes.

 

– Quels sont les liens que l’on peut tisser entre la formation professionnelle dispensée en Bac Pro ASSP et ta future profession de conseillère funéraire ?

J’y vois un lien évident avec les matières professionnelles du Pôle 1 par rapport aux maladies dont on nous a parlé, en particulier les maladies transmissibles comme l’orthopoxvirose simienne ou variole du singe, le choléra, le VIH, les hépatites B et C, les maladies respiratoires avec de la fièvre qui peuvent être transmissibles… En cours, nous avions étudié tout ce qui était protocole de lavage des mains. Face à une personne décédée ayant eu telle ou telle maladie, on va adopter un protocole adapté.

Après un décès, la chose la plus importante est l’obtention du certificat de décès avec l’identité de la personne. Sur un certificat de décès, on va regarder les nom et prénom de la personne, avec différentes cases cochées concernant la présence ou non d’un pacemaker (ou stimulateur cardiaque). Dans ce cas précis, on fera alors appel aux services d’un thanatopracteur (*). Autre souci qui peut arriver ; regarder s’il n’y a pas un obstacle médico-légal…

 

– C’est quoi un obstacle médico-légal ?

Un obstacle médico-légal, c’est lorsqu’il y a suspicion par la Justice d’une mort non naturelle.

Si c’est le cas, le corps de la personne décédée sera alors transporté à l’IML (institut médico-légal) de Nancy, dans le cadre d’une enquête judiciaire, en vue d’une autopsie, afin de déterminer les véritables causes de son décès.

Et c’est le procureur – lui seul – qui peut lever l’obstacle médico-légal. Il délivre d’abord un certificat qui doit mentionner qu’il existe un obstacle médico-légal qui suspendra les opérations funéraires jusqu’à la décision de levée de cette suspension, en délivrant ensuite un permis d’inhumer, d’incinérer et/ou d’avoir des soins de thanatopraxie.

 

– Quelles autres compétences particulières, ce métier de conseillère funéraire requiert-il ?

Cette profession nécessite également de bien s’y connaître en matière de religions, que ce soit le bouddhisme, les religions musulmane, juive et chrétienne, ou encore orthodoxe… Ainsi faut-il maîtriser les emblèmes religieux (croix, étoile de David, croissant…). Mais il faut aussi avoir de solides connaissances au niveau des papiers administratifs et du déroulé des obsèques.

 

– Est-ce que la formation d’ASSP permet de favoriser les liens avec la famille du défunt ?

Oui ! Il faut déjà se mettre dans l’idée que lorsque l’on est auxiliaire de vie, sans diplôme d’aide-soignante, ce qui a été mon cas lors des stages effectués durant les années d’études en Bac Pro, on fait face à des personnes âgées qui sont en fin de vie ! Alors pour moi, la formation d’ASSP a été un plus parce que si l’on veut bifurquer sur le secteur des pompes funèbres, c’est la continuité !

 

– Quel regard portes-tu sur ton métier après l’obtention de ton diplôme ?

Je m’épanouis dans ce que je fais, à partir du moment où je veux travailler dans ce secteur depuis mes douze ans. Je pense que c’est un métier comme un autre. Il faut simplement avoir parfois le cœur bien accroché. On peut ne pas toujours avoir affaire à des personnes âgées… Depuis que j’exerce, j’ai déjà dû m’occuper d’une personne qui s’était suicidée par pendaison au fil de fer…

 

– As-tu d’autres projets professionnels ?

Par la suite, je voudrais suivre une formation de thanatopraxie. Mais pour l’heure, je veux renforcer mes compétences en tant que conseillère et maîtresse de cérémonie.

Il va déjà falloir que j’acquière davantage de confiance en moi, au niveau de la prise en charge des familles, du vocabulaire à employer (d’où l’importance du français), de la gestion du deuil, de la posture à adopter face aux familles meurtries… À l’heure actuelle, si l’on vient à me parler de choses personnelles, je vais être en capacité d’écouter et de rassurer la personne en trouvant une solution et des moyens adaptés.

 

– Quel est le salaire mensuel d’un conseiller funéraire ?

Cela va dépendre de l’entreprise dans laquelle on exerce. Pour un poste de 35 heures, pour un conseiller funéraire débutant, il faut compter entre 1 600 et 1 850 € brut, plus des primes éventuelles.

 

 

– Quel regard portes-tu sur la mort, à présent qu’elle est ton quotidien ?

J’ai toujours fait face à la mort. J’ai déjà perdu mon arrière-grand-mère en 2011 et mon grand-père en 2014 – j’avais alors 12 ans – et pour les deux, je n’avais pas pu assister à leurs obsèques, donc le deuil s’est révélé compliqué.

 

– Est-ce que tu es toujours en contact avec des élèves de ton ancienne classe de Bac Pro ASSP ?

Oui, environ cinq à six élèves qui d’ailleurs m’ont énormément soutenu pour la préparation de mon diplôme de conseillère funéraire !

 

– Quel regard les autres – notamment tes anciens camarades de classe – ont-ils porté sur toi, avec cette profession que tu vas désormais exercer ?

Mon entourage m’a dit que j’avais beaucoup de courage ! Mais il y a eu aussi des personnes qui m’ont demandé s’il y avait des « fantômes dans l’agence » (rires) ! On m’a aussi demandé si je préparais les corps d’un point de vue des soins… En fait, les gens confondent le métier de conseiller avec celui de thanatopracteur. D’autres personnes sont choquées et se posent des questions. Celles-ci m’ont dit que j’étais folle de vouloir exercer cette profession. D’ailleurs, je voudrais bien venir présenter au Lycée Darche mon métier devant les élèves des classes d’ASSP…

 

– J’en prends acte et je transmets ta demande !

 

Note :

(*) Le thanatopracteur est un professionnel qui intervient sur le corps des défunts dans le cadre des services funéraires. Il pourra effectuer divers soins, visant à pouvoir présenter le corps lors de la veillée funèbre.

 

– Un grand merci à toi, Alexia, pour ce témoignage très fort sur ton parcours et une profession originale et méconnue mais tellement indispensable ! Et bonne continuation à toi !

 

Mise en page,

Photographies, visuels Internet,

Entretien préparé et propos recueillis par Jean-Raphaël Weber

les 2 et 9 mai 2023