Le dessous de l’image du couloir du 2e étage : analyse et décryptage
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La photo a été prise le mardi 14 octobre dernier, un peu après 11 heures du matin, au deuxième étage du bâtiment principal du Lycée Darche, du côté du pôle d’ASSP et à la hauteur du palier menant à la cage d’escaliers. Ce cliché publié le 25 octobre a suscité très rapidement un certain engouement auprès des « followers » de la page Facebook du Lycée Darche… Pourquoi avoir pris et publié cette photographie ? Pourquoi cet attrait pour une image semblant au demeurant très banale et au contenu si dépouillé ? Anodine au premier abord, elle ne l’est peut-être pas finalement tant que ça et elle mérite que l’on s’y attarde un peu… Réponses et décryptage à retrouver ci-dessous…
En premier lieu, elle rappelle incontestablement des souvenirs auprès des centaines d’élèves, stagiaires et autres qui y passent ou ont passé leur scolarité dans notre école, chez les enseignants qui y ont travaillé ou qui y exercent encore ou chez les visiteurs d’un jour, lors de nos traditionnelles Portes Ouvertes annuelles ! Comment oublier cette « vision » ?

Dénotations
Qu’y voit-on ? Un long couloir vide avec tout au bout de la perspective (une centaine de mètres), un éclat lumineux se reflétant au sol. De chaque côté, les murs austères dépourvus de la moindre décoration – « bruts de décoffrage » – paraissent d’une autre époque.
Au premier plan, une sorte de voûte sur laquelle figure un petit coffret en plastique blanc. En zoomant, on peut aisément imaginer une alarme contrastant avec le caractère ancien de l’ensemble. Et si l’on zoome encore, on pourra observer une deuxième arche située au plan intermédiaire. Y sont installés une clochette d’un autre temps, un panonceau vert indiquant la sortie à prendre en cas de secours et une sorte d’alarme installée pour détecter une éventuelle fumée toxique. Enfin, sur la troisième voûte, au fond, à gauche, un morceau d’extincteur rouge coupé par la ligne de fuite du mur.
On n’oubliera pas la lumière du fond – plein sud – signe qu’en cette matinée de mi-octobre, le soleil pouvait encore être bien généreux sur Longwy.
En revenant au premier plan de l’image, en hauteur et sur les côtés, on peut remarquer ce qui semble être des verrières ! Les salles de classe aux plafonds voûtés du Lycée Darche sont d’anciennes chambrées de militaires puisque le lycée était au départ une caserne !
Un œil exercé peut également observer que le sol du couloir est constitué de granito/terrazzo, ce fameux procédé importé de Venise qui s’était exporté en particulier en Lorraine dans les années 1920/1930 avec la vague « Art-Déco ».


Alors si l’on oublie les quelques éléments de sécurité décrits plus haut, cette image est véritablement intemporelle. Dans les commentaires du post Facebook, un ancien élève internaute a écrit que cela n’avait pas changé depuis… 1985 !
Interprétations
De par ses aspects dépouillé et intemporel, l’image permet de nombreuses interprétations et ne laisse donc pas indifférent. D’aucuns – pragmatiques – se demanderont quel est le produit d’entretien permettant d’obtenir un tel éclat au niveau du sol ? D’autres – complotistes – questionneront la raison de la présence mystérieuse de la lézarde située au premier plan au milieu du couloir…
Certains y verront le couloir ancien d’un hôpital encore en service, d’une prison, d’une administration, d’un asile d’aliénés, d’un musée, d’un EHPAD, d’une morgue, d’un IML (institut médico-légal) ou d’un vieil hôtel… Mais c’est bel et bien celui d’un lycée !
Cette étrange lumière jaillissant du fond figure-t-elle la porte du Paradis ? Une ambiance paisible, sereine et tranquille ou au contraire, dérangeante ?
Ce halo lumineux du fond ajouté au dépouillement de la scène pourrait aussi susciter un certain malaise, en écho à une atmosphère étrange, mystérieuse et fantastique ? Un commentaire Facebook faisait d’ailleurs état d’une similitude avec l’ambiance récente d’Halloween… Si l’on a lu la pièce de théâtre Huis clos (1945) de Jean-Paul Sartre, on pourrait y voir le couloir menant à la pièce où Estelle, Inès et Garcin sont enfermés pour l’éternité avec la conclusion : « l’enfer, c’est les autres ». Avec quelque imagination, on y verrait rouler à tricycle le petit Danny Torrance comme dans l’Hôtel Overlook du Shining de Kubrick… Ou plus « local », on pourrait y apercevoir Igor, le fantôme du Lycée Darche dont certains membres du personnel jurent d’avoir déjà entendu certains soirs d’hiver les lugubres plaintes…



Durant une partie de la journée, passée la minuterie de l’éclairage artificiel, l’endroit devient assez sombre et les jeunes y cherchent encore parfois refuge pour ne pas descendre aux récréations de 10 h et 15 h… D’ailleurs qui parmi tous les lycéens n’a jamais été tenté de le faire, juste pour braver une fois le règlement intérieur ?


Les plans du bâtiment et une vue de la caserne Ordener abritant alors le 149e régiment d’infanterie de forteresse (datation 1935-1938 ?)
Pour conclure, au-delà des apparences, cette photographie du couloir du deuxième étage renferme quelque part toute « l’âme » du lycée. Résistance, robustesse, solidité, fiabilité, sérieux et traversée du temps… Les voûtes et les murs très épais du bâtiment avaient été conçus pour résister aux bombardements. Comme il a été écrit plus haut, avant d’être un établissement scolaire, le Lycée Darche était une caserne – la caserne Ordener – dont la construction s’était achevée en 1844. La seule encore debout, parmi les cinq casernes érigées à l’époque. En 1914, défendant la place forte de Longwy, le lieutenant-colonel Darche y avait tenu à distance les envahisseurs allemands durant quelques semaines.

Ce couloir – intemporel aujourd’hui – était-il si différent à cette époque ? Pas sûr que oui.
Photographie, visuels Internet, texte et mise en page par Jean-Raphaël Weber
Merci à Anne-Sophie, Hélène et Pierre pour leur soutien
